Revenir au site

Apple fait grincer le G20 de Hanghzou

par Mayline Meynard et Clément Simon, jeunes reporters au G20 du 4 au 5 septembre 2016

16 septembre 2016

Cet article a été écrit dans le cadre du partenariat avec La Croix concernant le sommet du G20.

Dimanche 4 septembre dernier, lors de la première journée du sommet du G20 à Hangzhou, Jean-Claude Juncker est revenu sur la décision controversée de la Commission européenne de sanctionner Apple pour arriérés d'impôts envers l’Irlande. 

Coup dur pour le gouvernement irlandais, contraint par la Commission européenne de récupérer 13 milliards d’euros d’impôts impayés à Apple en incluant les intérêts. Cette affaire fait suite à une enquête révélant que la célèbre multinationale américaine a bénéficié d'une disposition particulière lui permettant de payer moins d'impôts en Irlande entre 1991 et 2014. Sans surprise, le président de la Commission européenne a justifié d’un ton ferme la décision prise par l'institution, en déclarant lors du G20 : « le message de l’Union européenne est clair. Toutes les entreprises sont tenues de payer leurs taxes. » Des déclarations qui ajoutent de l’huile sur le feu à une situation tendue avec l’Irlande, mais aussi les États-Unis en profond désaccord avec cette sanction.

Pour autant, l’évasion fiscale est l’un des principaux problèmes auquel s'est attaqué le G20 depuis le sommet de Saint-Pétersbourg en 2013 : avec la dérégulation financière, l'esquive de l'impôt se trouve clairement dans le viseur de ceux qui veulent "remettre de l'ordre dans la mondialisation". J.-C. Juncker l’a bien compris, lui qui en a fait le fer de lance de son élection à la tête de la Commission européenne il y a deux ans : "C’est d'abord et avant tout une question d'équité. Il y a des implications aussi bien pratiques qu’urgentes. Nous ne pouvons pas laisser tomber les écoles, les hôpitaux et les services publics qui ont besoin de cet argent."

En plus des particuliers qui évitent l'imposition sur les revenus ou le patrimoine, certaines multinationales esquivent la taxation des profits. Un manque à gagner estimé à environ 1 000 milliards euros pour l'Union européenne et même 12 000 milliards pour les pays émergents, dont les principales victimes sont la Russie, l’Arabie saoudite et la Chine. Autant de recette fiscales perdues qui grèvent les budgets de fonctionnement et d'investissement des acteurs publics. Autant  de montants astronomiques que les entreprises choisissent de ne pas rapatrier et qui par conséquent ne peuvent être investis pour soutenir l’innovation et l’emploi.

En France tous les ans, ce sont ainsi entre 60 à 80 milliards de recettes qui ne sont pas collectés par les impôts : c'est 1,5 à 2 fois plus que le principal poste budgétaire de l'Etat, le remboursement des intérêts de la dette publique ! Pour Sébastien Fourmy, d’Oxfam France, "la plupart des gouvernements prétendent ne pas avoir d'autre choix que de baisser des dépenses publiques essentielles, pourtant des sommes d’argent colossales cachées sont sous leurs nez".

Car les entreprises bénéficient d’un vaste choix de pays pour y domicilier leurs revenus. Il leur suffit d’installer un ou plusieurs sièges sociaux à travers le monde. Pour attirer ces multinationales, certains pays offrent des avantages fiscaux : si ces pratiques sont bien souvent légales, elles restent perçues comme relevant de la concurrence déloyale.

Le G20 souhaite le déploiement d’un ensemble de mesures - intutilées "BEPS", pour "Base Erosion and Profit Shifting" - pour obliger les multinationales à déclarer des informations économiques pays par pays. Il peut s’agir d’agrégats financiers mais pas seulement, les secteurs d’activités et les revenus de ceux-ci pourront être demandés. Ces informations seront à transmettre aux autorités fiscales du pays de résidence. Les dirigeants du G20 ont fixé 2018 comme dernier délai pour la mise en œuvre de tels échanges automatiques d'information. En outre, il a été demandé à l’OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, de dresser une liste des pays les moins coopératifs pour juillet 2017. Il s’agit donc pour le G20 et l’OCDE d’utiliser leur influence sur ces pays pour obtenir une utilisation raisonnée de ces pratiques. N'oublions pas que la pression internationale avait déjà contraint le Panama à accepter "de se rallier au processus de transparence fiscale coordonné par l'OCDE à la demande du G20" en 2016.

A Hanghzou, Angel Gurria, le Secrétaire général de l’OCDE, se réjouit que les membres du groupe soient tous impliqués dans ce combat. Le président chinois Xi Jinping, pour sa part, a clos sa conférence de presse en enfonçant le clou : "nous avons décidé d'approfondir la coopération fiscale internationale et d'accroître la lutte contre l'évasion fiscale".

Les opinions et interprétations exprimées dans les publications engagent la seule responsabilité de leurs auteurs, dans le respect de l'article 3 des statuts de l'Institut Open Diplomacy et de sa charte des valeurs.