21 septembre 2014

 

Plus d'un jeune sur cinq est au chômage en France. Les projections pour fin 2014 donnent un taux de chômage des moins de 25 ans à plus de 23,7% en France, au-dessus de la moyenne européenne de 22,7%. Mais le fléau touche le monde entier, et figure donc logiquement comme priorité dans l'agenda du G20 de cette année.

 

En vue du sommet du G20 de novembre, j'ai eu la chance de diriger cet été la délégation de jeunes Français consultés lors du Youth20, sommet officiel d'engagement du G20 dédié aux jeunes. Si cette année l'agenda du Youth20 était découpé en trois thèmes majeurs (croissance et emploi, développement durable, mobilité et citoyenneté globales), les discussions revenaient toujours au spectre qui plane sur tous les pays du Groupe, développés ou émergents : le chômage des jeunes. Pour y répondre, nous avons réfléchi notamment à des moyens pour refonder le financement de l'économie. Ces propositions ont été diffusées aux ministres des Finances du G20 de ce week-end à Cairns ; en voici un bref résumé.

Miser sur les PME pour l'économie de demain

Au cœur des discussions sur la croissance et l'emploi, ma préoccupation principale, fortement appuyée par mes collègues européens, portait sur le financement des PME et des start-ups.

Soutenir et diversifier les sources de financement des PME et des jeunes entrepreneurs, c'est faire le pari d'une économie dynamique qui créé de la valeur - et donc de l'emploi. « Small is beautiful » n'est pas qu'un slogan, mais une réalité macroéconomique essentielle : l'innovation et les ruptures technologiques qui forment l'économie de demain viennent des start-ups et petites entreprises pour lesquelles il faut démultiplier l'effort d'investissement et le préserver dans le temps. Moins puissamment représentées, les PME restent largement ignorées par la classe politique française, alors qu'elles représentent 99,9% des entreprises nationales, 52% de l'emploi salarié et 49% de la valeur ajoutée.

A l'heure où les dépenses gouvernementales sont acculées, le modèle des champions subventionnés par l'État n'est pas viable : c'est le tissu des PME et le dynamisme des « petits » entrepreneurs qui permettra de relancer l'économie. Le Youth20 a donc martelé deux messages clés.

Premièrement, les PME doivent pouvoir accéder largement et directement aux marchés financiers. Le financement de l'innovation réduit aux moyens bancaires n'est plus un modèle soutenable quand on connaît la difficulté que les Banques centrales ont à convaincre les banques de prêter de l'argent, même avec des taux directeurs quasi-nuls. Pourtant, il existe une source de financement immédiate, transparente et favorable aux projets porteurs de valeur : les marchés ! Le développement de fonds spécialisés, directement accessibles par les épargnants, doit être encouragé pour permettre aux jeunes pousses de se développer à la hauteur de leur potentiel.

Deuxièmement, les Ministres des Finances doivent accompagner et anticiper les mutations de l'économie numérique, qui créé de la valeur sur un modèle nouveau, disruptif, souvent collaboratif. Les plateformes de financement, d'entraide, d'inspiration mutuelle que le web véhicule ne cessent de se développer, et contribuent largement au dynamisme de nombreuses entreprises. Crowdsourcing et crowdfunding ne doivent pas effrayer les régulateurs bancaires ou les défenseurs de la propriété intellectuelle : l'économie de demain sera beaucoup moins exclusive - à condition qu'on en fasse le pari. Et les PME seront les premières à en bénéficier.

L'innovation financière répond aussi aux enjeux sociaux

Les mutations du monde sont aussi sociales - et les modes de financement doivent les suivre, autant qu'ils servent les évolutions de l'économie. Au-delà de leur solvabilité ou de leur rentabilité, les entreprises peuvent être évaluées sur leur capacité à contribuer à la matérialisation de toutes les politiques de développement durable. Des critères extra-financiers - sociaux et environnementaux - doivent progressivement entrer en ligne de compte pour le financement de l'économie. Ce n'est pas qu'un vœu pieux visant à rendre le monde plus juste : évaluer la solvabilité d'une entreprise, c'est avant tout faire un pari sur la réussite d'un projet ou d'un produit - parier sur l'innovation, évaluer le risque. Et l'évaluation du risque repose intrinsèquement sur des critères financiers et non financiers liés à l'environnement de l'entreprise et du marché en question.

Une entreprise pourrait par exemple être cotée pour emprunter, par une agence de notation, sur des critères extra-financiers comme la proportion de femmes qu'elle emploie : nombreuses sont les études qui démontrent que les entreprises représentant équitablement les sexes réussissent mieux que les autres (Source : Banque Mondiale). L'embauche de femmes doit être récompensée financièrement comme une véritable innovation (dans un monde où, par exemple, les ressources féminines sont plus rares ou moins valorisées), permettant de meilleurs résultats économiques et sociaux à long terme. La finance ne peut se contenter de récompenser l'audace économique ou technologique, mais doit accompagner les pionniers sociaux qui permettent de bâtir un environnement économique durable et vertueux. Au-delà de la question du genre, c'est un principe que l'on peut décliner avec l'embauche des jeunes, et des populations vulnérables en général.

Accaparé depuis 2008 par l'impératif de la régulation financière et de la gestion des États surendettés, le G20 ne doit pas pour autant oublier de faire preuve d'imagination... et le Youth20 est là pour le lui rappeler, conjointement avec les autres groupes officiels d'engagement du G20. Il est impératif de regarder l'horizon : il faut redynamiser l'économie par la création, par l'ouverture et les échanges, par des prises de décision et d'action ambitieuses donnant les moyens aux entreprises de créer de la valeur. Et d'accéder en conséquence aux marchés financiers pour bâtir notre avenir économique.

L'expérience du Youth20 a été véritablement inspirante, notamment par l'engagement réel du gouvernement australien à étudier nos propositions. Directement concernés par les conséquences de la crise qui a donné naissance au G20, les jeunes doivent être l'aiguillon de la prise de décision de ces gouvernements qui semblent prêts à écouter. Pourvu qu'après l'écoute, vienne l'action.

Béatrice LEYDIER est cheffe de la délégation française au Youth20 2014. Le Youth20 est le sommet officiel par lequel les dirigeants du G20 consultent les jeunes du monde entier. Il a été initié par l'association « Youth Diplomacy » en France en 2011 et maintenant institutionnalisé auprès du G20. Youth Diplomacy, depuis, recrute et forme les délégués français sous le mandat du Ministère des Affaires étrangères et du Développement international.

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