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Développement économique et lutte contre le changement climatique : agir du global au national

Par Rosemine Abdallah, reporter de l’Institut Open Diplomacy aux Journées européennes du Développement (EDD) à Bruxelles les 7 et 8 juin 2017 en partenariat avec Toute l’Europe

20 juin 2017

Quelques jours après la décision de Donald Trump de retirer les États-Unis de l’Accord de Paris, les Journées européennes du développement (EDD) des 7 et 8 juin 2017 ont rappelé l’importance et l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique. Une lutte qui nécessite une mobilisation de tous, aussi bien au niveau global que local. Les régions d’Afrique, des Caraïbes et du Pacifique (ACP), particulièrement concernées, développent des initiatives pour agir.

La lutte contre le changement climatique doit être globale

Le changement climatique est aujourd’hui un fléau qui menace la planète, et pourrait avoir des effets dévastateurs sur la vie humaine. Si aucune réduction majeure des émissions de gaz à effet de serre n’est réalisée d’ici 2050, la planète devrait compter plus d’un milliard de réfugiés climatiques1, comme le rappelle l’ONG WWF (World Wide Fund for Nature).

A l’occasion de la conférence de presse à la suite de la signature du Nouveau consensus européen pour le développement2, Neven Mimica, Commissaire européen au développement, déclarait le 7 juin : « Nous [l’UE] sommes le plus grand acteur mondial sur le changement climatique mais nous ne sommes pas les seuls. » Un engagement global doit être pris et des actions ciblées entreprises à toutes les échelles. La lutte contre le réchauffement climatique n’est donc pas la seule affaire des pays industrialisés.

Les pays africains n’ont pas tardé à rappeler leur engagement dans la lutte contre le changement climatique. « Au nom des différents représentants des pays africains, j’aimerais rappeler que l’Afrique soutient l’Accord de Paris », a insisté le président du Sénégal, Macky Sall. 

En raison de leur forte dépendance à leur environnement naturel, les pays en développement les plus pauvres - parmi lesquels l’on retrouve la plupart des pays ACP - ne sont certes aujourd’hui pas les premiers producteurs de gaz à effet de serre,3 mais ils en sont les premières victimes. L’illustre notamment la rapide évaporation du lac Tchad, conséquence du réchauffement climatique et de l’activité humaine. Quatre pays sont riverains du bassin de ce lac - le Cameroun, le Niger, le Nigeria et le Tchad - qui permet à près de 30 millions de personnes de se fournir en ressources naturelles et de développer une activité.

L’Afrique subsaharienne : un développement continental respectueux de l’environnement

Alpha Condé, président de l’Union africaine et de la République de Guinée. Conférence sur l’Initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables, EDD, Bruxelles, 8 mars 2017 © Commission européenne.

Une grande partie des pays ACP fait face au défi commun de se développer tout en évitant de produire des gaz à effet de serre, réels dangers pour l’environnement et le climat. Ces pays ne peuvent donc pas se permettre de suivre les même étapes d'industrialisation par lesquelles les pays développés sont passés. Cela serait bien trop risqué pour l’environnement car il y a urgence.

Les pays africains ont donné une première réponse à ce défi à travers la mise en place de l’Initiative de l’Afrique sur les énergies renouvelables. L’IAER, lancée fin 2015 et coordonnée par l’Union africaine, a pour objectif de doter le continent de 10 GW de capacité nouvelle de production d’énergie renouvelable d’ici 2020, et d'au moins 300 GW d’ici 2030. Afin d’atteindre les objectifs de la première période, l’IAER s’est vue dotée d’une enveloppe de 10 milliards de dollars lors de la COP21 en 2015. Permettre à l’ensemble du continent de s’éclairer est une condition sine qua non à un développement économique durable.

Le secteur privé s’est montré plutôt optimiste face à de tels objectifs. « Nous croyons qu'un accès universel aux énergies est possible », a déclaré Bruno Benasson, Directeur général d’ENGIE Afrique, sans néanmoins préciser les moyens qui devront être mobilisés pour atteindre cet objectif.

L’IAER devrait non seulement garantir un accès à l’énergie et le développement économique mais il devrait également améliorer le bien-être humain. « Sans énergie, une femme doit se rendre tous les jours au marché, c’est une perte de temps », s’est indigné Alpha Condé, président de la Guinée et de l’Union africaine. Ainsi, il ne reste que très peu de temps dans la journée aux femmes et aux jeunes filles pour se consacrer à d’autres activités comme l’éducation ou un emploi à temps plein. L’IAER entend donc contribuer à atteindre à la fois les objectifs 5 et 7 des Objectifs du Développement durable - ODD : une énergie propre et l’égalité des sexes.

David Granger : « Mon pays [le Guyana] est en transition pour devenir un pays vert » 

Au-delà des initiatives globales et continentales, des engagements nationaux et locaux sont également nécessaires dans la lutte du changement climatique. Afin de répondre au double défi du développement économique et de la lutte contre le réchauffement climatique, le Guyana a lancé une stratégie de développement à bas carbone (LCDS). « Un nouveau modèle de développement, le modèle durable représente un espoir pour la terre », selon le président du Guyana, David Granger, lors de la cérémonie d’ouverture des EDD, le 7 juin 2017.

Depuis 2009, le Guyana poursuit ainsi deux objectifs principaux : transformer - de façon structurelle - l’économie guyanienne afin de favoriser le développement social et économique tout en restant respectueux de l’environnement ; et mettre en place un modèle de réussite pour les pays en développement montrant la manière dont l’aide au développement internationale peut être utilisée à bon escient.

Pour atteindre ses objectifs, le Guyana a bénéficié de différentes aides internationales. La plus importante a été celle octroyée par la Norvège dans le cadre du partenariat Norvège-Guyana lancé en novembre 2009. Entre cette date et 2015, près de 250 millions de dollars américains ont été alloués au Guyana par la Norvège.

Quant à l’Union européenne, elle négocie depuis 2012 d’un accord volontaire4 de partenariat sur le Forest Law Enforcement for Governance and Trade dont l’objectif est de lutter contre l’exploitation illégale des forêts et le commerce associé. Cet accord attendu en juillet 2017 devrait permettre de certifier les produits forestiers importés vers le marché commun européen en provenance du Guyana. 

Il est difficile aujourd’hui de mesurer l’impact de cette stratégie guyanienne. Mais à en croire son président le pays avance dans la bonne direction : « Mon pays est en transition pour devenir un pays vert ».

1 « Le changement climatique », WWF [en ligne] http://www.wwf.fr/nos_priorites/promouvoir_la_transition_energetique/changement_climatique/ - consulté le 12 juin 2017.

2 Stratégie conjointe en matière de politique de développement élaborée par la Commission européenne, le Parlement européen, le Conseil de l’UE et la Haute-Représentante pour les affaires extérieures, Federica Mogherini. Le 7 juin 2017, les institutions européennes ont réaffirmé leur engagement envers l’Agenda 2030 et ont mis l’éradication de l’extrême pauvreté au centre de leurs préoccupations. «Le nouveau consensus européen pour le développement – L'UE et les États membres signent une stratégie commune pour éradiquer la pauvreté », Commission européenne, DG Coopération internationale et développement, 7 juin 2017 [en ligne], http://ec.europa.eu/europeaid/node/116828_en - consulté le 8 juin 2017.

3 En 2014, le continent africain était responsable de près de 3,3 % des émissions de gaz à effet de serre (GES) contre 29,6 % pour la Chine seule, plus grand émetteur de GES au monde. Étude « Quasi-stabilisation des émissions de CO2 dans le monde en 2014 », 31 mars 2016, ministère français de l’Environnement, de l’Energie et de la Mer.

4 Les accords volontaires de partenariat (Voluntary Partnership Agreement en anglais) sont des accords commerciaux entre l’UE et les pays exportateurs de bois. Ils s’inscrivent dans le cadre de la Forest Law Enforcement for Governance and Trade. Les pays exportateurs peuvent décider de conclure ou non un accord avec l’UE mais une fois un tel accord introduit, il a une obligation légale pour les deux parties. L’objectif de ces accords est d’assurer que tout produit fait de bois exporté par les pays partenaires sont issus du commerce légal. A ce jour, l’UE a signé des accords avec plusieurs pays d’Afrique subsaharienne, d’Asie du Sud-est et le Guyana. EU FLEGT Facility, « Qu’est ce qu’un accord de partenariat volontaire? – L’approche de l’Union européenne », European Forest Institute, 2009.

Légende de la photo en bandeau : paysage kenyan, août 2009 © CIFOR.

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