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Les Etats du G7 s’engagent pour sécuriser le cyberespace

Lucie Berbey, Reporter au G7

28 avril 2019

Les ministres des Affaires étrangères des Etats membres du G7 se sont réunis les 5 et 6 avril à Dinard pour discuter, notamment, des enjeux liés à l’ère numérique. Entre ingérence, vol de données et inégalités, la nécessité de renforcer la cybersécurité est multiforme. A l’issue de cette rencontre, ils ont publié une déclaration commune « sur l’initiative pour des normes dans le cyberespace ».

« Le cyberespace ne peut être une zone de non-droit ». C’est avec ces mots que le ministre français des Affaires étrangères, Jean-Yves Le Drian, a résumé la volonté des pays membres du G7 de lutter pour la sécurisation de l’espace numérique. Ces enjeux auxquels font face les Etats depuis quelques années étaient à l’ordre du jour de la rencontre des ministres à Dinard. L’entrée dans l’ère du numérique a révélé une multiplication des risques pour les sociétés démocratiques et pour les libertés individuelles de chacun. Dans la continuité de son appel de Paris de novembre 2018 pour la confiance et la sécurité dans le cyberespace, la France, qui préside cette année le G7, compte bien se positionner en tête de la lutte dans ce domaine.

Un risque pour les démocraties

Le risque le plus direct, et probablement l’un des plus dangereux pour les sociétés démocratiques, est celui d’une ingérence dans le processus électoral. Depuis la présidentielle de 2016 aux Etats-unis, le risque est évoqué avant chaque grande échéance électorale. A l’approche des législatives au Canada, la ministre Chrystia Freeland ne le cache pas : « Nous sommes très inquiets d’une interférence russe pendant ces élections. C’est très probable ». La Russie, qui n’est plus membre du G7 (ex-G8) depuis l’annexion de la Crimée en 2014, est régulièrement pointée du doigt pour ses tentatives d’interférence ou d’attaques informatiques. Alors que le rôle de telles campagnes dans l’élection de Donald Trump fait encore l’objet d’investigation, les ministres réunis à Dinard ont d’ores et déjà condamné « le comportement irresponsable, déstabilisateur et malveillant de la Russie » dans un communiqué commun. Les pays du G7 ont rappelé leur volonté de poursuivre les efforts dans le développement de techniques pour répondre à ces menaces. « Nous avons de meilleurs systèmes de détection de ces attaques, mais nous devons encore travailler pour éviter ces attaques avant qu’elles ne se produisent », affirme le ministre britannique Jeremy Hunt, alors que le Royaume-Uni est régulièrement touché par ces cyberattaques. En 2018, 145 établissements financiers britanniques ont été victimes de ces tentatives d’intrusion.

Dans le domaine du vol de données, également rendu largement possible par l’informatique, le Japon a mené les discussions. Grâce à son savoir-faire reconnu dans le numérique, Tokyo entend affirmer son rôle sur la scène internationale. En plein scandale sur des accusations de cyberespionnage visant l’entreprise de téléphonie chinoise Huawei, le Japon a fini par emboîter le pas aux Etats-Unis et à l’Australie, en décidant à son tour d’exclure l’utilisation des équipements de l’entreprise dès décembre 2018. Dans ce contexte tendu, les pays du G7 ont appelé la Chine à respecter ses engagements envers les activités malveillantes, « ce qui inclut le vol de propriété intellectuelle permis par l’informatique dans le but de procurer un avantage, notamment à des secteurs commerciaux ».

Lutter contre l’extrémisme violent sur Internet

L’actualité récente a aussi amené les ministres à soulever le problème des discours de haine sur Internet. Le 15 mars 2019, un attentat a eu lieu dans deux mosquées à Christchurch, en Nouvelle-Zélande. L’auteur, un homme de 28 ans, a retransmis les images de la fusillade en direct sur Facebook. La vidéo n’a été supprimée qu’après une vingtaine de minutes, et a pu être visionnée par des milliers d’utilisateurs, et reprise sur d’autres réseaux sociaux. Cet épisode a soulevé de nombreuses inquiétudes sur le pouvoir et l’influence de telles plateformes. Plusieurs pays ont dénoncé l’incapacité de Facebook de réguler ses propres contenus. Pour éviter que de telles situations ne se reproduisent, les Etats membres ont réaffirmé leur engagement de « lutter contre l’utilisation de l’internet à des fins de terrorisme et d’extrémisme violent ».

Les ministres présents ont également appelé les entreprises du numérique à mettre en place de nouvelles mesures pour « protéger leurs utilisateurs contre les efforts des terroristes visant à radicaliser et à recruter des personnes, à les pousser à commettre des actions violentes et à planifier des attentats ». Certaines figures du djihadisme ont en effet utilisé Internet par le passé pour appeler des jeunes, notamment dans les sociétés occidentales, à rejoindre la Syrie et l’Irak pour combattre à leurs côtés. La propagande terroriste trouve sa place sur Internet, qui lui permet de toucher un public plus large et plus fragile, susceptible d’adhérer à leurs propos. S’ils s’inquiètent et condamnent de telles pratiques, les ministres reconnaissent que la cybersécurité n’est pas la seule solution. « Pour que nos efforts soient plus efficaces, ils doivent être coordonnés avec d’autres interventions de lutte contre le terrorisme et l’extrémisme violent », ont-il réaffirmé dans leur communiqué commun. Une déclaration qui fait écho aux discussions sur les opérations de paix en Afrique et au Sahel, qui étaient également à l’ordre du jour de la ministérielle.

Un facteur d’inclusion pour lutter contre les inégalités

Pour cette rencontre placée sous le signe de la lutte contre les inégalités, le rôle d’Internet dans l’exclusion d’une partie de la société a aussi été mis en avant. Car, si le numérique se développe rapidement dans les sociétés qui en ont les moyens, près de la moitié de la population mondiale en reste privée. Toutes les technologies qui y sont liées ne font qu’accentuer la différence entre ceux qui en sont dotés, et ceux qui ne le sont pas.

Mais même au sein de la communauté des internautes, l’égalité ne règne pas. Le cyberharcèlement est omniprésent et, s’il prend des formes multiples, il vise toutefois en priorité les femmes. Pour ce G7, et les ministérielles qui le précèdent, la France a tenu à faire du rôle des femmes dans la politique et dans les processus de paix l’un des principaux thèmes de discussions. Les ministres ont ainsi rappelé que les violences sur Internet « constituent un obstacle important à la participation des femmes et des filles à la vie sociale, politique, économique et culturelle ». Les pays du G7 ont également réaffirmé leur volonté de voir les technologies du numérique jouer « un rôle positif en faveur de l’égalité des sexes et de l’autonomisation des femmes et des filles ».

Les différents acteurs de cette rencontre ont placé la cybersécurité au cœur de plusieurs enjeux, car l’industrie du numérique a certainement son rôle à jouer dans l’évolution que connaîtront nos sociétés dans les prochaines années. Les différents acteurs présents comptent faire de ce G7 une occasion d’avancer sur ces enjeux liés à l’informatique et promouvoir l’égalité femmes-hommes. Cette dernière thématique a pris le devant de la scène depuis le mouvement de libération de la parole #MeToo sur la place de la femme dans la société et les violences quotidiennes auxquelles elles sont confrontées. Mais la déclaration d’intention publiée pendant ces deux jours de discussions à Dinard a perdu un peu de sa force avec une ministérielle dominée par le regain de tension en Libye, l’absence de plusieurs ministres et la présence d’une seule femme parmi les sept pays représentés.