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OTAN, un sommet pour continuer l'histoire

par Ruben Cohen-Aknine et Anne-Laure Juif, reporters de l'Institut Open Diplomacy au sommet de l'OTAN les 8 et 9 juillet 2016

14 juillet 2016

Cet article a été initialement publié sur le Huffington Post le 10 juillet 2016 : 

http://www.huffingtonpost.fr/ruben-cohen-aknine/otan-un-sommet-pour-continuer-lhistoire_b_10912480.html?1468141562

Près de soixante ans après le Pacte de Varsovie, la même ville accueille le Sommet de l'Organisation du Traité d'Atlantique Nord.

"Le Sommet de Varsovie est un moment historique qui sera conclu par un franc succès pour la paix et les Etats de droit". Ainsi le président polonais Andrzej Duda a introduit le Vingt-septième sommet de l'OTAN. Confrontés au Sud aux conflits insolubles du Moyen-Orient, à l'Est à des tensions grandissantes avec la Russie et à l'intérieur de ses propres frontières par l'accroissement des cyber-attaques, les Vingt-huit Etats membres de l'OTAN se réunissent pour savoir s'ils peuvent encore faire face ensemble.

Les tensions avec la Russie au centre des débats

La difficulté actuelle pour l'OTAN est bien de redéfinir son action et d'atteindre des objectifs ambitieux, alors qu'une des grandes puissances mondiales paraît s'opposer à l'Alliance dans ses fondements même.

En effet, la Russie montre des signes de défiance face au rôle joué par l'OTAN depuis quelques années. Par exemple, la politique de la "porte ouverte" qui vise à accueillir tout pays souhaitant entrer dans l'Alliance, est fortement critiquée par le régime de Moscou. L'élargissement à d'anciennes républiques socialistes a provoqué l'exaspération de Vladimir Poutine. Il n'a d'ailleurs pas hésité à répondre par la force, envahissant la Géorgie en 2008 et la Crimée en 2014.

Plus que jamais, l'écart se creuse entre les aspirations de l'organisation de sécurité collective, fondée sur une action préventive et défensive, et la Russie, proactive et qui ne cache plus ses prétentions. Hors du théâtre européen, l'OTAN et la Russie ne s'accordent pas non plus, notamment en Syrie.

Pourtant, le Secrétaire général de l'OTAN Jens Stoltenberg affirme ne pas vouloir "d'une nouvelle Guerre froide [...] Les liens avec la Russie doivent être maintenus et le dialogue renforcé". Au début du Sommet, il rappelle l'esprit d'ouverture de l'Alliance avec chaque pays volontaire pour la promotion de la démocratie et la lutte mondiale en faveur du droit international.

Le président polonais Duda souligne tout de même la nécessité de rester ferme face à la Russie. C'est là une des ambitions du Sommet de Varsovie : montrer que les membres de l'Alliance sont plus que jamais solidaires, unis et forts dans la défense de la liberté et de la démocratie.

Madeleine Albright, ancienne Secrétaire d'État des États-Unis qui a présidé à la conception de la dernière feuille de route stratégique de l'Alliance, résume cet état d'esprit avec des mots forts mais emprunts d'optimisme : "La dernière décennie a été marqué par des troubles. La question qui se pose est si nous serons prisonniers du désordre, ou si nous aurons le courage et la vision de façonner un nouvel ordre du chaos qui nous entoure".

Vers un dialogue nécessaire

Cependant, certaines voix divergent, comme sur une crainte d'escalade des tensions entre l'OTAN et la Russie. Hall Gardner, professeur à l'Université américaine de Paris, en marge du Sommet écrivait "Je suis pour que les États-Unis, l'OTAN mais aussi l'Union européenne cherchent un 'accord informel' avec Moscou"[1]. Continuer l'ouverture vers l'Est ne permettrait pas d'obtenir des compromis de la part du Kremlin.

Les prévisions économiques pourraient atténuer les craintes d'une Russie imprédictible. Dans son rapport de la Fondation de la Recherche stratégique - FRS, Hall Garner souligne : "Moscou reconnaît généralement qu'elle a besoin d'une Ukraine politiquement et économiquement stable". A l'inverse, pour le politiste polonais M. Grajewski, "la levée des sanctions contre la Russie, sans renforcer le flanc Est de l'OTAN sera interprétée comme un consentement à une plus grande expansion".

Ainsi, Hall Gardner semble y voir une course à l'armement, rappelant le début du XXe siècle et de la Première Guerre mondiale. Dans une même mesure, le président François Hollande souhaite rappeler que le bouclier antimissile[2] "ne vise qu'à répondre à des menaces hors de la zone euro-atlantique, toute défense antimissile ne concerne pas la Russie".

La balle semble désormais dans le camp des Russes dont la réaction ne saurait tarder. Parler de la situation avec les Russes les implique forcément dans le processus de dialogue. A ce titre, un conseil OTAN-Russie est prévu le 13 juillet à Bruxelles.

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