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Vers l'Accord de Paris et au-delà

| Thomas Friang

17 mars 2016

« 195 pays signent ce qui constituera d'ici peu un traité international de 12 pages fixant des objectifs de neutralité des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique à + 2°C d'ici 2100.

Imaginez le sentiment de libération qu'ont pu éprouver les diplomates à la fin de la COP21 en décembre 2015... Pour se faire une idée, Antoine Michon, Sous-directeur Climat et Environnement au ministère des Affaires étrangères, résume : « 195 pays signent ce qui constituera d'ici peu un traité international de 12 pages fixant des objectifs de neutralité des émissions de gaz à effet de serre pour limiter le réchauffement climatique à + 2°C d'ici 2100, grâce à l'action de tous les pays pour réduire les émissions, et adapter leur modèle de croissance – en tenant compte de leur stade de développement ; le tout soumis à un mécanisme de révision et de transparence sur les résultats des initiatives nationales engagées pour lutter contre le réchauffement climatique ».

Amy Dahan, Directrice de recherche émérite au CNRS, et Yann Werhling, Conseiller régional d'Ile-de-France et Conseiller de Paris, le rejoignent sur ce point : c'est un « accord historique ». Mais... oui, il y a toujours un mais.

La diplomatie n'a pas sauvé le monde, elle lui a permis de se sauver

La réponse d'Amy Dahan aux 12 pages de l'accord de Paris est un pamphlet de 800 pages, Gouverner le climat, 20 ans de négociations climatiques. Son dernier ouvrage met en effet en exergue le « schisme de réalité » par lequel la communauté internationale s'est bercée dans l'illusion de pouvoir résoudre le défi du changement climatique par un accord international.

Si elle n'hésite pas à tirer son chapeau à la diplomatie française, notamment pour l'approche « par le bas » choisie afin d’inclure tous les pays sur le fondement de propositions nationales, approche plus payante pour adopter un accord, Amy Dahan ne mâche pas ses mots sur la fin de l'histoire. « L'accord n'est ni contraignant ni ambitieux », contrairement à ce qui a été dit sur la scène publique.

Il n'y a pas de mécanisme de sanctions prévu pour des pays dont les initiatives nationales en faveur de la lutte contre le changement climatique ne seraient pas mises en œuvre, ou se révèleraient insuffisantes à l’aune des objectifs poursuivis.

Ces objectifs fixés sont par ailleurs bien en deçà des efforts nécessaires à réaliser au regard des trajectoires d'émission d’ores et déjà prises à ce stade par les différents pays. Citant le 5e rapport du GIEC1, le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat, Amy Dahan rappelle que nous avons déjà consommé « la moitié de notre budget carbone pour atteindre un réchauffement de + 2°C ». En somme « il ne nous que reste que 5 ans avec le budget carbone d'émissions égales à celles de 2014 ! ». Alors que l’accord de Paris mentionne comme cible une augmentation du réchauffement limitée à seulement + 1,5°C.

Prendre le relai pour ne pas prendre de délais

Rappelant les travaux du Sénateur Ronan Dantec2 sur l'implication des collectivités locales dans la lutte contre le changement climatique, Yann Werhling ouvre d'autres perspectives sans plus de concessions : « nous n'avons pas le droit d'être pessimistes, ni d'être bêtement optimistes ».

Elu local familier de la lutte contre les particules fines, il insiste sur le rôle de la commande publique pour inciter les industriels à engager rapidement la transition écologique, tout comme Antoine Michon en appelle au rôle des « citoyens consommateurs ».

Et pour cause, la mise en oeuvre des engagements de la COP21 repose exclusivement sur les « INDC », les Intended Nationally Determined Contributions, c'est-à-dire les contributions nationales non-engageantes pour réduire les émissions de gaz à effets de serre et contribuer au Fonds vert pour le climat.

Amy Dahan ne manque d’ailleurs pas de souligner que la contribution la plus maigre est celle de l'UE : « 4 pages seulement, quand des Etats comme l'Inde l'ont fait beaucoup plus sérieusement ». Malgré les objectifs environnementaux ambitions de l'UE avec sa stratégie 20-20-, 203, il reste en effet à prendre le relai rapidement à Bruxelles, pour que la présidence française de la COP21 ne soit pas un succès diplomatique sans résultats politiques.

1 Cf. http://www.developpement-durable.gouv.fr/Le-5e-rapport.html.

2 Voir ministère des Affaires étrangères, rapport d’orientations remis par Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, et Michel Delebarre, ancien ministre d’État, sénateur du Nord, « Les collectivités territoriales dans la perspective de Paris climat 2015 : de l’acteur local au facilitateur global », 2013, http://www.ladocumentationfrancaise.fr/var/storage/rapports-publics/144000009.pdf.

3 Cette stratégie européenne adoptée en 2010 vise d’ici 2020, en matière de changement climatique et d’énergies durables, 1) une réduction des émissions de gaz à effet de serre de 20 % (voire de 30 %, si les conditions le permettent) par rapport à 1990 ; 2) une augmentation de la part des énergies provenant de sources renouvelables à hauteur de 20 % du mix énergétique, et 3) l’augmentation de 20 % de l’efficacité énergétique.

"Les opinions et interprétations exprimées dans cet article engagent la seule responsabilité de son auteur, dans le respect de l'article 3 des statuts de l'Institut Open Diplomacy et de sa charte des valeurs."